DE L’ART DU RECITATIF fin baroque et classique

Quelques repères de base pour une interprétation réussie

Avant de commencer une production ou un stage :

1- Assimiler le texte

Le traduire le cas échéant, en notant la traduction littérale de certains mots-clés. Décider avec les responsables artistiques si la prononciation sera fidèle à l’époque ou moderne (par ex. les i dans les verbes italiens). Se  » mettre en bouche » le texte en le déclamant à haute voix, de façons différentes (césures), sans se soucier de fixer une interprétation et sans référence à la musique, mais en respectant scrupuleusement les accents toniques, les élisions et les syllabes muettes. Pour chaque langue utilisée, travailler la justesse de la diction. Ne jamais chuchoter ou parler sur le souffle.

2- Analyser l’écriture musicale

a) Repérer les motifs mélodiques et leurs notes d’appui (principales) ainsi que les incipit et les finales.

Se souvenir qu’on perçoit mal les sons d’un clavecin ou d’un fortepiano sur scène, et donc garder si possible sa propre note finale comme référence pour la réplique suivante afin de ne pas être troublé(e) par la tessiture des interlocuteurs. 

Observer les jeux de quinte et les appogiatures de divers types, possibles, souhaitées, nécessaires. 

S’exercer à la justesse, chanter de moins en moins à pleine voix pour privilégier la notion d’action « parlée » : syllabes finales muettes!

b) Distinguer les 3 types de récitatifs :

secco où le récit est « libre », accompagné d’un clavecin ou pianoforte et d’une basse continue (viole de gambe ou violoncelle), le plus souvent hélas, par manque de temps ou d’argent, par un clavecin seul.

arioso où le récit est mesuré et indiqué par un tempo, le plus souvent adagio ou andante, parfois en duo ou même en trio de voix. L’indication manquant toujours, repérer où le « secco » reprend sont cours en observant quand la voix grave du continuo termine son mouvement régulier et quand ce mouvement régulier reprend.

accompagnato où le chant est soutenu par l’orchestre à cordes, soit en valeurs lentes, soit en dialogue staccato.

c) Lire le discours musical :

Distinguer les mouvements de levée (arsis) et ceux de repos (thesis) et lire attentivement le rythme des notes en respectant scrupuleusement les dactyles (- U U), les anapestes (U U -), les trochées (- U), les iambes (U -) et les spondées (- -).

On constate à ce moment-là si le compositeur est bien en phase avec le rythme de la prosodie. Mozart, de langue allemande, n’a jamais été pris en défaut sur l’italien par exemple. Si l’on constate un désaccord, c’est le texte parlé qui prévaut.

Dans le « secco« , ne pas attacher d’importance aux demi-soupirs, destinés à ordonner les accents toniques des syllabes, mais respecter par contre les temps de silence et se demander pourquoi le compositeur a mis ici un dactyle de double croches et là un dactyle de croches, par exemple. On découvre ainsi les mots qu’il veut mettre en valeur et donc certaines intentions de caractère.

Au début de la production ou du stage

Le (la) soliste, s’étant minutieusement préparé(e) sur ces deux plans, se présente avec son texte mémorisé et avec son interprétation « de base » : il (elle) travaille d’abord avec le chef de chant ou le chef d’orchestre et les continuistes, en présence du metteur en scène. Les intentions sont alors précisées d’un commun accord, puis commence le long travail avec le metteur en scène, qui fouille les intentions, les modifie en connaissance de cause pour arriver à une interprétation souple et rapide, parfaitement intégrée aux caractères, respectueuses des « pulsions » du continuo.    

JM Curti