A la suite d’une rencontre en montagne avec un ami, qui me posait la question des sources littéraires du Don Giovanni, livret de Lorenzo Da Ponte mis en musique par Mozart, j’entrepris quelques recherches dont voici le résultat.

Le livret de Da Ponte s’inspire directement de celui de Giovanni Bertati pour l’opéra de Giuseppe Gazzaniga, Don Giovanni Tenorio, créé à Venise en 1787. L’histoire s’appuie sur celle de Tirso de Molina, voir plus bas.

On connaît bien la comédie de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, 1622-1673. Dom Juan ou le Festin de Pierre fut créé en 1665 à Paris avec le sous-titre de l’Athée foudroyé. Mais la pièce subit de nombreuses critiques et ne fut publiée qu’après la mort du dramaturge. Suivra immédiatement la pièce en vers de Thomas Corneille, en 1676.

Suivra également la longue tradition du personnage, de Casanova, Sade à nos jours.

Ayant eu l’opportunité de travailler sur le libretto de la Griselda que de nombreux musiciens mirent en musique, dont Alessandro Scarlatti (voir les actes du colloque que j’organisai à ce sujet au CERN et à Genève), je me suis dit que ce personnage, lequel symbolise le séducteur impénitent victime de son orgueil, devait être évoqué quelque part dans la Commedia dell’Arte, via celui présenté par Shakespeare, la Renaissance puisant fréquemment ses sources dans la fin du Moyen Âge.

Appellation Dom ou Don

L’habitude de prénommer un seigneur ou maître vient du mot latin Dominus. Outre la tradition laïque du propriétaire terrien espagnol (voir chez Zorro) qui se fait appeler Dom, l’habitude persista également dans la tradition monastique, principalement bénédictine.

La source principale

Parallèlement, l’écriture du Don (avec n) se développa semble-t-il à partir du héros de Tirso de Molina (1579-1648), El Burlador de Sevilla, écrit en 1630. Le personnage historique attesté s’appelle Don Juan Tenorio, vivant au 14è s. On tient là la première mention du Don Juan, dont est issue directement la pièce de Molière.

Avant cette édition, on trouve le Livre du courtisan écrit en 1528 par Baldassare Castiglione, né en 1478 à Casatico près de Mantova et mort à Toledo en 1529. Ce diplomate vécut principalement à la brillante cour d’Urbino et célébra la vie du parfait gentilhomme que devrait être tout Seigneur. Il termina sa vie à la cour de Madrid.

Les sources dans la Commedia dell’Arte

La mention de mille et trois femmes se trouve dans la Commedia dell’Arte dont Arlecchino est la plus proche mention du séducteur. Sganarelle est son serviteur. Voir le développement de son personnage à Bergamo, avec son sexe dressé. L’adaptation la plus fameuse est la pièce en prose de Giacinto Andrea Cicognini (1606-1650) : Il Convitato di pietra, opera esemplare, en 3 actes.

On peut citer aussi Angelo Beolco dit Ruzzante, brillant écrivain né en 1496 dans la région de Padova. Dario Fo le considère comme le fécond précurseur de Molière, véritable père de la Commedia dell’Arte, peintre de la vie paysanne croquant des personnages savoureux. Sa réputation de vie déréglée, dissolue, n’est cependant pas prouvée.

Il existe une source bretonne du Don Juanisme avec Louis Eunius ou le Purgatoire de Saint Patrice.

Giovanni Boccaccio

Enfin, il faut se pencher sur l’incontournable Decameron de Boccaccio. le célèbre habitant de Certaldo (Toscana), 1313-1375, l’un des pères de la langue italienne issue du toscan. On trouvera sur ce site un autre article consacré à cette oeuvre majeure à plus d’un titre. Sans mention de Don Juan, le Decameron décrit le personnage du séducteur narcissique, parmi toutes les évocations de l’amour.

Plus en amont, je n’ai pas trouvé de littérature explicite sur ce sujet (Lais de Marie de France, troubadours, trouvères et Minnesänger).

Mais on se doute bien que l’on peut remonter facilement jusqu’à la cour des Empereurs romains pour trouver d’autres exemples de ce personnage dangereux, dont Néron, mort à 30 ans, semble être le plus représentatif (37-68).

Illustration : le personnage de Don Juan vu par Salvatore Dali.