Réflexion pataphysique d’un haut-âge en désalpe

A lir’ avé l’assen

Ayant été nourri par sa mer de soupes aux coquillages, notre chat devint lynx à la frontière des Vaudois ensarinés.

Ce n’est que récemment – à peine quelques millions d’années – qu’il obtint le statut de sphinx réfugié des Enfers, repliant ses longues pattes de devant, crachant toutes ses dents jusqu’à Morcles, offrant son long pelage blanc au ciel suisse allemand mais gardant son ventre dans la terre rossinière, dressant ses petites oreilles plein sud pour écouter les messages pointus de ses soeurs les Dents coquettes du Midi.

C’est qu’on passe devant lui pour descendre dans les grottes de nos mémoires, c’est lui qui, durant la sieste, garde nos escarpins d’espoirs fédérés, avec ses canons à neige rangés comme des Parques. Car il dort sans cesse – n’est-il pas Vaudois ? – riant parfois de jeter ses éboulis sur Derborence qui se nourrit de ses eaux, tandis que son cousin le Moléson fribourgois choisit de regarder vers le nord en faisant le dos rond.

Le fauve s’est drapé dans un mur de silence. De Villars à Gryon, des Tours d’Aï au Pic du Chamossaire, en riant Jaun ou en sussurant le patois de Gstaad, on l’observe avec déférence, lui qui, drapé dans sa superbe, se targue d’être le dernier de la région à voir le coucher du soleil sur le Mont-Blanc.

Les Vaudois ont toujours eu une ardeur de retard, à l’inverse des valeureux Belges des Ardennes, tandis que nos Valaisans pointent leurs pyramides, de la Dent Blanche au Cervin, mais sont réduits à protéger leurs saints d’Euseigne. Tandis que toi, au moins, tu dors, ne cherchant même pas à deviner que je parodie la Venoge, le plus noble des destins.

Mais tu m’apportes un chant nouveau. Et si je m’ennuyais sur le Léman livide et n’avais plus envie de remonter le Rhône, depuis Morgins, mes pas se tournent désormais vers toi car tu me dis que l’enfer n’est ni sur terre, ni dessous, ni dessus, mais en nous : le diable nous a pris dans ses rêts.

Au diable, les rêts : vive la liberté et les petits godets !

Janvier 2023

Le glacier des Diablerets, photo de Marianne Granier, depuis l’ancienne route de Morgins