Christophe WIllibald Gluck (1714 – 1787) 

Né à Erasbach le 2 juillet 1714, le chevalier von Gluck était le fils d’un garde-chasse. Il apprit le violoncelle avant d’étudier la composition, séjourna à Prague et à Vienne puis se rendit en Italie, où il fut élève de Sammartini en 1736. A l’époque, l’opéra italien s’était dédoublé en opera seria et en opera buffa. Donnant dans le style sérieux, Gluck acquit la notoriété et devint, pour les Italiens, “il divino Boëmo ”. En 1745, il se rendit à Londres mais ne parvint pas à s’y imposer. En 1752, de retour à Vienne, il fut nommé maître de la chapelle royale. Il devint directeur de Burgtheater de Vienne en 1754, année où le pape le fit chevalier de l’Eperon d’or. Gluck se marie en 1760. 

En 1761 il rencontra un poète, Calzabigi, qui était à Paris lors de la querelle des Bouffons, en 1752. Est-ce d’avoir compris que l’opéra seria était voué à bientôt disparaître ? Est-ce d’avoir entendu avec profit les opéras de Rameau et de Haendel ? Ou encore est-ce l’air du temps ? Toujours est-il que le poète et le compositeur amorcèrent une réforme de l’opéra baroque avecOrfeo ed Euridice (1762) qui se précisera avec Alceste, en 1767. 

Gluck se rendit à Paris, où il reçut la protection de la reine Marie-Antoinette et l’hospitalité de Mlle Rosalie, cantatrice. Les Français, qui avaient toujours éprouvé des sentiments partagés pour l’opéra italien, depuis un siècle, et qui s’ouvraient au néo-classicisme, approuvèrent. Iphigénie en Aulide (1774) obtint un triomphe, de même que les reprises d’Orfeo et d’Alceste.

Iphigénie en Tauride, écrit au moment de la querelle avec les partisans de Piccinni, couronnait son œuvre réformatrice. 

A partir de 1779, Gluck souffre de problèmes de santé. Il subit plusieurs attaques d’apoplexie dont il sort en partie paralysé et s’éteint le 15 novembre 1787 à Vienne. 

Résumé du livret 

Acte I 

Près de la tombe d’Eurydice, dans un bosquet, nymphes et bergers pleurent la jeune épouse d’Orphée. Celui-ci veut rester avec sa douleur et renvoie ses compagnons. Il chante sa peine et se déclare prêt à aller jusqu’en enfer pour retrouver celle qu’il aime. L’Amour, messager de Jupiter, lui apparaît alors. Le roi des dieux, apitoyé par la douleur d’Orphée, lui accorde la possibilité de se rendre au royaume des morts. S’il parvient, par son chant, à fléchir les divinités infernales, il pourra reprendre Eurydice, mais à une condition : en la ramenant vers le jour, il ne devra pas se retourner pour la regarder, ni lui révéler cette obligation. S’il manque à cet engagement, il perdra Eurydice pour toujours. Orphée, exultant, accepte le pacte, tout en sachant combien il sera difficile de le respecter. 

Acte II 

Premier tableau 

Dans les ténèbres de l’Averne, au-delà du fleuve Cocyte, les Furies et les Spectres dansent en une ronde infernale et cherchent à barrer le passage à l’audacieux mortel. Mais le chant d’Orphée est si doux, comme il leur raconte sa passion sans espoir, que peu à peu ils s’apaisent et disparaissent. Orphée peut poursuivre sa route. 

Deuxième tableau 

Le poète, arrivant aux Champs Elysées, contemple la lumineuse beauté de ces lieux verdoyants. Les âmes bienheureuses, les héros et héroïnes y demeurent en paix. Mais Orphée ne peut apprécier cette douceur. Il n’a qu’une pensée, retrouver Eurydice. Et voici qu’enfin on la lui amène. Il la prend par la main sans la regarder et la conduit vers la lumière. 

Acte III 

Premier tableau 

A travers un labyrinthe, Orphée emmène Eurydice et se hâte pour fuir l’Averne. Mais la jeune femme ressuscitée, après un moment de surprise, assaille de questions son époux, dont elle ne comprend pas l’étrange comportement. Comment est-il parvenu jusqu’aux enfers ? Pourquoi ne la regarde-t-il pas ? Il ne l’aime donc plus ? Lorsque désespérée, elle lui dit qu’elle préfère mourir que vivre sans son amour, Orphée n’y tient plus. Il se retourne et aussitôt, Eurydice tombe morte à ses pieds. Accablé de douleur, appelant Eurydice, Orphée veut se donner la mort pour la rejoindre. Mais l’Amour intervient une fois encore : les dieux, émus, ont décidé de lui rendre son épouse. 

Deuxième tableau 

Devant le temple de l’Amour, Orphée et Eurydice, entourés de héros et héroïnes, de nymphes et de bergers, célèbrent la résurrection de la jeune femme et le triomphe de l’amour sur la mort. 

Les différentes versions d’Orphée et Eurydice 

Version Vienne 1762 

L’œuvre originale a été créée à Vienne le 5 octobre 1762 au Burgtheater, sur un livret italien de Ranieri de’ Calzabigi, le rôle titre étant confié à un castrat, Gaetano Guadagni. 

Version Paris 1774 

Lors de son séjour en France, invité par la jeune dauphine Marie-Antoinette d’Autriche, le compositeur devait adapter son opéra selon le goût français en confiant le rôle principal à une voix de ténor élevé, sur un livret traduit par Pierre Louis Moline et sous le titre Orphée et Eurydice, remportant un triomphe à Paris le 2 août 1774, au Palais-Royal. Le rôle-titre fut tenu par Joseph Legros. 

Version Berlioz 1859 

Hector Berlioz devait enfin procéder en 1859 à un remaniement pour permettre à la mezzo-soprano Pauline Viardot de chanter Orphée. Cette version, retraduite en italien, a été chantée par de nombreuses altos et mezzo-sopranos pendant un bon siècle et a contribué à maintenir ce chef-d’œuvre au répertoire. La première a eu lieu le 19 novembre 1859 au Théâtre lyrique, à Paris. 

La réforme de l’opéra lyrique avec Orphée 

Jusqu’en 1762, Gluck composa dans le style alors en vigueur en Italie, caractérisé par une musique surtout destinée à donner aux chanteurs virtuoses l’occasion de démontrer leur talent. Toutefois, de plus en plus lassé des conventions de l’opéra italien, de son clinquant superficiel et de sa lourde ornementation mélodique, Gluck se décida à réformer l’art lyrique de son temps. 

Le nouveau style qu’il développa visait à rétablir l’objectif initial de l’opéra: exprimer par la musique l’émotion portée par les mots, en veillant à l’unité dramatique par la suppression de la frontière entre le récitatif et l’aria ainsi que par l’absence de changements de scène trop fréquents. C’est dans cette optique qu’il travailla avec le grand réformateur du ballet classique Jean-Georges Noverre. 

Vers 1760 débuta une collaboration avec le poète italien Ranieri di Calzabigi, qui écrivit pour Gluck un livret servant admirablement les théories du compositeur sur l’équilibre entre les mots et la musique. Cette association aboutit à Orfeo ed Euridice, opéra qui surpassait en grandeur, en inspiration, en qualité dramatique et en naturel tout ce qui avait été écrit auparavant. Créé à Vienne en 1762, il connut un immense succès. 

Parmi les autres grands opéras de Gluck composés selon les principes de la réforme de l’opéra dont il fut l’initiateur figurent Alceste (1767) et Paride ed Elena (Pâris et Hélène, 1770), sur des textes de Calzabigi!; Iphigénie en Aulide (1774) et Armide (1777). 

Les réformes introduites par Gluck dans l’art lyrique rencontrèrent une violente opposition particulièrement à Paris où, de 1774 à 1781, une polémique virulente s’engagea entre les partisans de Gluck et les défenseurs de l’opéra italien et du compositeur napolitain Niccolò Piccinni. Le directeur de l’Opéra de Paris avait commandé aux deux rivaux un opéra sur le même texte, Iphigénie en Tauride. La version de Gluck se révéla être un chef-d’œuvre. Créée à Paris en 1779, elle rencontra un succès retentissant, tandis que la version de Piccinni, créée en 1781, fut considérée comme inférieure. 

Les réformes de Gluck ont fortement marqué l’histoire de l’opéra. Les principes qu’il a défendus ont influencé l’œuvre de nombreux compositeurs, dont Wolfgang Amadeus Mozart, Luigi Cherubini, Ludwig van Beethoven et Richard Wagner. 

Orphée et Eurydice est sa première pièce innovante, son premier véritable chef d’œuvre. C’est le point de départ d’une nouvelle conception de l’opéra avec une action simplifiée qui tend à exprimer au plus proche les sentiments les plus forts. 

Chronologie partielle : le temps de Gluck :

Cette étude a été réalisée par Thomas Sylvand pour la production de l’Opéra-Studio en 2010 et publiée ici avec son accord et mes remerciements.