Parallèle Brahms – Fauré et musique sacrée

En mettant en parallèle la deuxième Symphonie de Johannes Brahms et le Requiem de Gabriel Fauré, compositeurs presque contemporains, j’ai voulu approfondir deux aspects de l’histoire de la musique : 

D’abord, le profond humanisme qui réunit ces deux compositeurs. Derrière leur face bourrue et solitaire, leurs critiques parfois virulentes des contemporains, avec un travail acharné et une autocritique constante, on trouve chez eux un sens du partage et de la pédagogie active, une fièvre de la qualité, un rattachement fidèle et informé à l’évolution de la musique à travers les siècles. Et puis, la barbe de l’un fut aussi célèbre que la moustache de l’autre !

Ensuite vient la question épineuse de la musique sacrée. L’Eglise catholique rejoint d’autres religions encore plus intransigeantes comme l’Islam, l’Orthodoxie, l’Hindouisme, le Bouddhisme, pour limiter les concerts dans les églises à une musique purement religieuse. Ces autres religions l’interdisent simplement car un concert dans un espace sacré leur est inimaginable. Dans le Protestantisme de toutes tendances, on est en revanche revenu au rôle grec de la basilica, lieu d’échange et de partage que représente le monument. 

Cette norme occidentale est-elle basée sur les textes uniquement ? Non, puisque Jean-Sébastien Bach, qui interchangeait des textes tout comme Haendel et tant d’autres, trouve partout sa place dans nos églises avec toutes ses oeuvres, y compris purement instrumentales, à l’instar des oeuvres pour orgue d’Olivier Messiaen considérées comme mystiques, ceci selon moi grâce plutôt à leurs titres. Les 7 dernières paroles du Christ de Haydn sont même inscrites dans la musique liturgique, sans parole. On peut multiplier les exemples, par exemple avec la musique maçonnique de Mozart.

Je voudrais m’attacher à montrer comment certaines oeuvres, telles cette deuxième symphonie de Brahms, sont éminemment religieuses, c’est-à-dire qu’on peut les rattacher à une quête du divin même assez précise, parce que leur compositeur, qui ne l’a pourtant pas cherché explicitement, est tellement en phase avec le non dicible que sa musique transpire l’inspiration, inspire la transe. Ecoutez cet extraordinaire deuxième mouvement et sa mélodie suspendue, ce menuet lent du troisième comme une extase, ce premier mouvement tout en construction joyeuse, raisonnée mais enthousiaste, cette force qui termine le quatrième mouvement comme si nous arrivions enfin à une vraie vie. Cette oeuvre est pour moi une vraie symphonie de l’amour.

A l’église, n’est-ce pas souvent l’interprète, plutôt que le compositeur, qui fait la différence ?

JMC