Pour rester dans les généralités, on distingue durant tout le Moyen Age 4 tons principaux, issus de l’Antiquité au Moyen Orient et codifiés en Grèce, appelés authentes et numérotés en grec ancien. Ils comprennent une note de base (le ton) et une corde de récitation, d’une hauteur médiane pour que le psalmiste puisse chanter sans trop se fatiguer. On trouvera à la fin un tableau récapitulatif.

  • ton 1 = RE, protus, dit à la Renaissance dorien

  • ton 2 = MI, deuterus, dit phrygien

  • ton 3 = FA, , tritus, dit lydien

  • ton 4 = SOL, tetrardus, dit mixolydien (mélangé)

Une gamme est formée de 8 notes, qu’on sépare en 2 tetracordes, soit 2 x 4 notes. La dernière note est à l’octave de la première.

Pour une raison inconnue semble-t-il, peut-être pour répondre aux besoins de chanteurs à la voix plus grave, d’autres tons peuvent commencer à la quarte au-dessous du ton de base. Ce ton dit plagal est ainsi appelé hypo… à la Renaissance toujours. Ce qui nous donne 8 tons principaux.

On perçoit tout de suite la richesse qui va découler de cette disposition basée sur la pratique, soit pour la monodie (mélange des tons) soit pour la polyphonie (utilisation subtile des tetracordes).

Cet oratorio est basé justement sur la juxtaposition des tetracordes en plus de la polytonalité ( plusieurs tons en même temps). C’est le 6è ton qui donnera notre gamme majeure.

La recherche musicologique renonce dès la fin du 20è siècle aux appellations Renaissance des modes, qui ne correspondent pas aux appellations grecques, le ton de RE par exemple étant né en Phrygie (Asie mineure), de l’avis général actuel, avant de migrer dans la région dorique d’Athènes. On leur préfère l’appellation par ton, plus exacte.

L’origine du ton psalmodique se perd dans la nuit des temps, et la corde de récitation la plus usuelle se situe autour du la, le ton de RE correspondant selon la tradition grecque à la note qui développe le plus d’harmoniques fondamentales, laquelle est donc la plus proche de la terre-mère. On retrouve ce ton dans le monde entier, le la continuant de nous indiquer notre diapason et d’accorder nos instruments.

A ces 8 tons principaux s’ajoutent usuellement le tonus peregrinus et sa double corde de récitation la-sol, qui semble antérieure à la synagogue dont on l’estimait issue, et pour la liturgie chrétienne, les tons romains de Pâques et des défunts, non retenus dans l’antiphonaire monastique. A certains moments de cette longue et riche histoire, 12 tons furent répertoriés correspondant aux 12 apôtres et autres sources de symboles.

Il faut rappeler ici que la cantillation profane, la psalmodie religieuse sont au coeur du plain chant (cantus planus = monodie) et à l’origine de toute polyphonie. Les grandes épopées antiques comme les Psaumes des rois David ou Salomon, comme les lectures de tous les Evangiles, comme les sermons (de Bossuet par exemple), tout comme les tragédies (y compris classiques) sont chantées sur une ou quelques notes (recto tono), les finales se développant de façon variée selon les régions.

On distingue 3 principaux types de finales correspondant aux grands monastères pourvoyeurs d’écoles de scribes : le nord avec Saint-Gall, le centre avec Metz-Laon, le sud avec le Bénévent (Montecassino). Mais de très nombreux autres centres artistiques apportent bien sûr leurs contributions dans tous les pays d’Europe.

Les monodies chrétiennes furent réunifiées et codifiées par le Pape bénédictin Grégoire (Rome, vers 540-604) et on n’a redécouvert que récemment la richesse des traditions non romaines à travers l’Europe quand elles ont pu survivre aux destructions.

Il faut garder à l’esprit qu’un moine prie (et partiellement chante) 8 heures par jour tous les jours de sa vie, les 150 Psaumes par exemple étant parcourus chaque semaine. On comprend que la vie musicale religieuse devient de plus en plus complexe, que les tons se mélangent peu à peu. De même pour les aèdes et autres Pythies. Actuellement, une description attentive du chant grégorien et du plain chant européen est complexe et demande des années d’études…

En schématisant (procédé toujours dangeureux mais permettant de se guider mieux), à la suite des Grecs puis des compositeurs à travers les âges qui attibuaient des humeurs aux tons, on associe le ton fondamental de RE à la terre mère puis à la royauté, le ton d’UT (DO) à la liturgie chrétienne.

Le ton de MI à la poésie puis à la tradition musulmane, le ton de FA aux voyages en général.

Pour terminer cette brève présentation, il faut ajouter que l’usure des notes chantées entourant la corde de récitation ou encore l’arrivée sur la finale fait monter ou descendre peu à peu d’un demi-ton, dès le XII è siècle semble-t-il, la note concernée. Ce rétrécissement de l’intervalle nous fera glisser de la modalité à la tonalité.

Par exemple dans le 1er ton, le si au-dessus du la (corde de récitation) sera bémolisé si on reste dans le ton, restera bécarre si on glisse dans le 2è ton. La formule pour l’Amen final utilisera peu à peu un do #.

De même, le 3è ton deviendra fameux dans la tradition moyen orientale avec son sol diésé pour se rapprocher du la tout en gardant le fa bécarre.

Par imitation du 6è ton, le si du 5è ton se fera peu à peu bémol. Ce qui rend l’attribution des tons de plus en plus problématique.

On pourrait continuer avec les finales (et in saecula) saeculorum, Amen(e u o u a e), différentes selon les régions, les particularités ethnologiques que Rome voulait gommer durant trop de siècles, les ajouts du répertoire à travers les siècles, les différences entre le rit romain et le rit monastique, les traditions d’interprétation dont la nouvelle Abbaye de Solemes fut la référence issue du romantisme, le renouveau d’interprétations dû à des laïcs après Dom Eugène Cardine, et tant d’autres sujets encore.

Mode et ton psalmodique grec appellation contestée incipit teneur

Protus authente 1 dorien la

« 

plagal

2

hypodorien

la

fa

Deuterus

authente

3

phrygien

mi

do (si)

« 

plagal

4

hypophrygien

si

la

Tritus

authente

5

lydien

fa

do

« 

plagal

6

hypolydien

do

la

Tetrardus

authente

7

mixolydien

sol

« 

plagal

8

hypomixolydien

do

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